Comprendre la planification de ressources transport et ses travers actuels dans le cadre d’un chantier transport.
Pour comprendre comment on arrive à cette situation (les coûts élevés de la partie transport), il est nécessaire de rentrer dans le détail de la mécanique de construction de ce processus.

Le cycle ci-dessus se dédouble. Il a lieu lors de l’appel d’offres, mais également avant le lancement du chantier. Il est révisé toutes les semaines avec une réunion de planification qui a lieu, en général, le mercredi ou le jeudi. Or, bien qu’il soit très logique à plusieurs points, il présente certaines failles :
- Désalignement d’intérêt entre la planification et l’exécution ;
- Le bureau d’étude chiffre pour gagner des affaires. Il a alors intérêt à minimiser la ressource camions pour être le plus compétitif ;
- Les exploitants du chantier ont intérêt à maximiser la ressource camion pour le réaliser le chantier dans les meilleures conditions.
Un cas classique dans l’industrie est que le directeur de travaux rajoute 10% sur ses estimations de camions et son directeur d’exploitation en rajoute encore 10% pour être “confort”. On se retrouve ainsi avec 20 % de ressources en plus.
Qu’est-ce qui peut expliquer cet état de fait ?
L’inquiétude de manquer de ressources et la non maîtrise de l’aspect logistique qui se résume en quatre points :
- Le souhait de respecter les délais de fabrications & le risque d’amendes si on ne rend pas les routes en temps et en heure (15 000€ par quart d’heure).
- La non maîtrise de la pause : les camions opèrent sous la législation du transport et les temps de pauses sont réglementés. Non maîtrisées, ces pauses obligatoires bloquent la chaîne logistique et peuvent entraîner des arrêts de centrales.
- La croyance de l’inflexibilité des ressources camions. Les camions sont loués à la semaine et j’ai souvent entendu qu’il était impossible de remplacer les mauvais chauffeurs pour cause de la pénurie de chauffeurs. Si elle est réelle à l’échelle nationale, il existe des tactiques à mettre en œuvre pour ne plus en subir les conséquences.
- L’absence d’indicateurs afin d’évaluer la productivité en temps réel ou quotidienne. Dans le doute, les équipes préfèrent mettre plus de ressources.
La bonne nouvelle est que la solution à ce problème complexe existe. Laissez moi vous en dessiner les contours.
La nécessité de maîtriser l’industrie du transport pour en maîtriser les effets.
Le transport est une industrie complexe qui a sa propre législation, ses propres contrats types, ses cursus étudiants, ses écoles, ses experts.
Et contrairement au sentiment partagé sur les chantiers, les chauffeurs ne sont pas que des tournes volant. Les poids lourds obéissent à des règles strictes :
- Le temps de travail ;
- Le temps de roulage ;
- Le temps de pause ;
- Le poids de chargements.
Il est impératif de les connaître et de les maîtriser sous peine de perdre des heures précieuses de productivité.
- Sur un chantier, pendant un arrêt de centrale, 20 camions attendaient sur le parking, les chauffeurs étaient descendus pour discuter entre eux. Je leur demande à tout hasard s’ils se sont mis en pause. En effet, à partir de 6h de travail, les chauffeurs ont l’obligation de faire 30 minutes de pause. S’ils ne le font pas, ils risquent en cas de contrôle, la prison. Leur réponse : “la pause ? Non, on ne la prend pas, on la prendra après quand on voudra”. Et c’est ainsi qu’on se retrouve en pic de production, obligé de décélérer les opérations.
- Autre exemple, en fin de poste, un chauffeur m’explique qu’après 9h de travail, il a l’obligation de rentrer chez lui. On lui fait remarquer qu’il n’a pas 9 h de conduite, mais 9 h d’amplitude et qu’après une pause de 30 minutes, il pouvait enchaîner sur 3h de travail supplémentaires. Sans cela, il aurait fallu trouver une autre ressource et prendre le risque d’avoir la même réponse.
On dit que c’est un art de gérer les chauffeurs, il y a surtout de la connaissance à acquérir et malheureusement beaucoup d’acteur du chantier en sont dépourvus.
Pour Piloter il faut maîtriser et connaître sa rame avec un outil.
Pour maîtriser, il faut suivre. Lorsqu’on travaille sur le budget transport, deux éléments importent :
- Le nombre de camions ;
- Le nombre d’heures travaillées.
1/ La première étape est de récupérer et d’identifier qui travaillera sur les chantiers. Ce n’est pas si facile, car :
- les transporteurs attribuent les camions vers les clients au jour le jour. Il est ainsi très compliqué de savoir la veille pour le lendemain qui seront les personnes sur le chantier.
- La flotte de chauffeurs varie beaucoup. Sur certains chantiers, 30% des chauffeurs changent d’un jour à l’autre.
Le seul moyen de savoir qui travaille aujourd’hui, c’est lorsqu’ils arrivent sur le site. Un point de passage est donc nécessaire sur le circuit, avec quelqu’un pour les identifier. Ce point peut être mobile, il peut être situé à la centrale, ou encore à la raboteuse.
- Exemple : sur un chantier où on découvre un camion qui est allé directement à la raboteuse, sans passer par l’accueil sécurité et qui effectue ses rotations en autonomie, personne ne peut savoir quand est-ce qu'il a commencé. Il y a fort à parier que personne ne verra qu’il est parti et ne pourra également pas vérifier combien d’heures il a effectivement travaillé.
2/ Etaler les embauches des chauffeurs et s’assurer qu’ils savent où aller. C’est aussi le meilleur moyen de se garantir contre les pauses et d’assurer la fluidité des transports.
Pour maîtriser sa rame, il faut deux éléments :
- Des moyens humains ;
- Un outil pour suivre les performances de chacun.
Trop souvent les conducteurs de travaux qui sont responsable du transport n’ont pas le temps de s’en occuper. Tout le monde ensuite s’étonne sur le chantier que le budget dérape. Ceci génère une énorme frustration qui se répercute partout dans la chaîne.
Gérer des opérations c’est effectuer les tâches suivantes :
- Savoir en temps réel si les ressources effectuent les rotations prévues ;
- Mettre en avant les bons chauffeurs et identifier les mauvais ;
- Contrôler les pauses ;
- Contrôler les heures supplémentaires ;
- Analyser les capacités d’optimisation et de suivi.
(La suite la semaine prochaine)